Le Codex maya du Mexique

 Un petit livre, une grande découverte pour l'humanité


Il apparaît au grand jour à New York en 1971 lors de l’exposition sur les scribes mayas* organisée au sein du prestigieux Club Grolier par l’entremise du collectionneur mexicain Josué Sáenz qui avait acquis le manuscrit quelques années auparavant. L’opération était délicate puisqu’il s’agissait de mettre le document en lumière sans trop attirer l’attention. Rétrospectivement, l’idée d’une exposition au royaume des livres, rares et précieux, semble excellente. Le document fut dès lors connu comme le Codex Grolier. Le nom de la plus ancienne institution bibliophile du continent américain - et du codex - rend hommage à Jean Grolier de Servières (né à Lyon en 1479- 1565), l’illustre père de la bibliophilie moderne pour qui l’amour des beaux livres n’avait aucune limite.

Le codex est-il seulement authentique ?


La communauté scientifique est partagée. D’éminents mayanistes affichent leur scepticisme. Ils plaident pour la falsification. Des faux n’émergent-ils pas çà et là occasionnellement ? C’est qu’un codex, maya de surcroît, représente parmi les “antiquités” précolombiennes les plus rares. Il en existe si peu : le Codex de Paris, le Codex de Madrid et le Codex de Dresde. Un quatrième codex ? En premier lieu, l’histoire semble rocambolesque.

 

Le livre avait été découvert dans une grotte dans les montagnes du Chiapas, non loin du site archéologique de Tortuguero, au sud du Mexique, avec d’autres artefacts rituels, dont un masque en mosaïque de turquoise (un Ñuhu, créature sacrée qui vit dans les montagnes). Des chercheurs de trésors en quête d’aventure ? Des pilleurs, maillons d' un système en clair-obscur ? Il existe une multitude de grottes a fortiori dans ces paysages escarpés. Ils ont eu vent de la tombe d’un prêtre maya. Ils se faufilent dans la nuit froide. Il faut agir vite. Ils n’ont pas le temps de procéder à un registre dans les règles de l’art. L’anecdote du collectionneur emmené dans un petit coucou, les yeux bandés, pour voir le manuscrit, semble un peu trop farfelue.

 

Et puis, comparé à l’iconographie de l’âge d’or maya qui se caractérise par un goût prononcé pour la figuration, le sens du détail, les volumes et la couleur, le Codex Grolier, avec ses figures anthropomorphes bidimensionnelles et ce fond monochrome blanc, fait pâle figure. Le contenu semble simple et minimaliste, comparé du moins au Codex de Dresde, comme si celui-ci constituait l’étalon-or de la civilisation maya, comme si l’on pouvait mettre sur un même plan les textes sacrés avec le calendrier des éphémérides. Le Codex Grolier n’est ni le plus beau, ni le plus complexe des livres-frises mayas. C’est précisément cette réalité historique alternative qui est intéressante car elle met en lumière, loin des centres prestigieux du pouvoir où les pyramides telles des minarets s’élevaient jusqu’au ciel, une époque qui n’avait plus grand-chose à voir avec le Classique maya (250-900, apogée VIIe siècle).

 

2016-2028 : le codex, rapatrié au Mexique, est à nouveau examiné sous tous les angles : physique (datation isotopique), archéo-botanique, géologie, chimie, épigraphie, archéologie, anthropologie physique, iconographie. Les conclusions sont formelles et unanimes : non seulement il s’agit d’un codex maya authentique, mais c’est le plus ancien manuscrit du continent américain : il daterait du XIIe ou du XIIIe siècle (plusieurs thèses là encore s’affrontent).

 

En Méso-Amérique, les livres se présentent sous la forme d’une bande plus ou moins longue pliée en accordéon. Voici les principales caractéristiques matérielles du Codex maya du Mexique qu’il partage en grande partie avec le corpus maya :

-       un papier de belle qualité, robuste - triple épaisseur -, d’écorce de Ficus et de Morus celtidifolia, le mûrier à feuilles de micocoulier

-       découpe : lame d’obsidienne

-       colle : résine végétale (orchidée ?)

-       plis à intervalles réguliers : tous les 12,5 centimètres

-       hauteur : 18 centimètres (supposée 23)

-       revêtement plâtre caractéristique des livres des hauts plateaux du centre du Mexique au lieu du stuc traditionnel à base de chaux employé sur les codex mayas. Cette singularité fait écho au contexte qui prévalut en Méso-Amérique au XIIe et XIIIe siècles. Le matériau était concassé, chauffé à 150°, mélangé à de l’eau et appliqué encore tiède sur la frise, en laissant un interstice pour les plis.

-       Le peintre-scribe réalise toujours une première ébauche : lignes directrices, cases destinées aux jours porteurs - sur la gauche -, esquisse du personnage central.

-       Pigments : noir de carbone (combustion de l’arbre ocote), rouge hématite et ocre rouge (teneur en fer élevée). Les chercheurs ont même trouvé la trace, sur la page 10, d’indigo et de palygorskite (argile rare) caractéristiques du bleu maya.

 

Le Codex maya du Mexique est aujourd’hui conservé au musée d’anthropologie de Mexico. Il voyage de part le monde.

 

Vous souhaitez… Déchiffrer un codex maya et le cycle vénusien ? Connaître les personnages hostiles et belliqueux représentés sur chacune des pages ? Alors à bientôt !

 

*The Maya Scribe and His World, le catalogue de l’exposition au Club Grolier

Pour compléter : El cuarto códice maya

Commentaires