La coupelle du colibri

Trésors Musée National d'Anthropologie, Mexico



Flèche solaire portée par une soif insatiable, il fuse à 100 km/h dans toutes les directions. Pourtant, c’est en vol stationnaire, prouesse que même Léonard de Vinci n’ose imaginer, qu’il enfonce son long bec au fond de la corolle, lance sa langue et aspire le nectar stocké dans les structures tubulaires profondes de la fleur, comme s’il venait délivrer une princesse enfermée dans un donjon souterrain. Tout ça en l’espace d’une fraction de seconde et soixante-dix battements d’ailes. 

 

Le plumage incandescent du colibri évoque la turquoise. Devenue aux XIe et XIIe siècles une ressource aussi précieuse que les coquillages, les plumes et la jadéite, la pierre bleu-vert acheminée depuis le Nouveau Mexique est associée au feu, à la saison sèche et à la guerre. 

 

C’est que le cosmos est le théâtre d’incessantes escarmouches entre les étoiles de la nuit et du jour. Dans cette guerre astrale bien antérieure au règne des hommes, Huitzilopochtli, la plus importante des divinités du panthéon aztèque qui terrassa les quatre cents étoiles du sud et la Dame avec-des-grelots-sur-les-joues, porte le nom du colibri, “huitzilin” en nahuatl. 

 

Le plus petit des oiseaux est le plus vaillant des guerriers.

 

Les motifs géométriques en forme de spirales qui ornent les franges inférieures de la coupelle sont autant d’émanation des serpents mythologiques d’eau et de feu qui résident dans les montagnes, régulant et déréglant le cycle de l’eau. Le monde souterrain est aussi la résidence des ancêtres, tout particulièrement les couples fondateurs des plus prestigieux lignages mixtèques-zapotèques sous le patronage de Quetzalcoatl, le serpent aux plumes de quetzal.

 

Au milieu, entre le ciel et la terre, des guerriers réalisent des rituels chamaniques : jeûne, extraction de gouttes de sang, rêves éveillés, métamorphoses, rencontre avec les ancêtres fondateurs. Parmi les quatre animaux peints sur la frange supérieure de la coupelle, il est possible d’identifier un jaguar (un serpent ?), deux aigles, un tlacuache (un cerf?), autant d’alter ego des dieux tutélaires.

 

Cette poterie polychrome de style Mixteca-Puebla que l’on peut aujourd’hui admirer au Musée d’Anthropologie fait partie d’une riche offrande funéraire datant du début du XIIIe siècle, composée par ailleurs de bijoux en or et en argent, des masques et boucliers en bois recouverts de mosaïques confectionnées à partir de tesselles lilliputiennes en turquoise, en jade et en coquillage, autant d’artefacts précieux qui témoignent du prestige du lignage royal de Zaachila, la plus puissante seigneurie de la vallée de Oaxaca au Post-classique tardif (XIIIe - XVe siècles)

 

 
 Coupelle du colibri, musée national d'anthropologie de México, photo GDJ
 
 

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